Résumé:
Qui mieux que Victor Hugo pouvait présenter un de ses
plus belles pièces:<br>«La pièce est
immorale? croyez-vous? Est-ce par le fond? Voici le fond.
Triboulet est difforme, Triboulet est malade, Triboulet est
bouffon de cour - triple misère qui le rend méchant.
Triboulet hait le roi parce qu'il est le roi, les seigneurs
parce qu'ils sont les seigneurs, les hommes parce qu'ils n'ont
pas tous une bosse sur le dos. Son seul passe-temps est
d'entre-heurter sans relâche les seigneurs contre le roi,
brisant le plus faible au plus fort. Il déprave le roi, il
le corrompt, il l'abrutit - il le pousse à la tyrannie,
à l'ignorance, au vice - il le lâche à travers
toutes les familles des gentilshommes, lui montrant sans cesse
du doigt la femme à séduire, la sœur à
enlever, la fille à déshonorer. Le roi dans les mains
de Triboulet n'est qu'un pantin tout-puissant qui brise toutes
les existences au milieu desquelles le bouffon le fait jouer.
Un jour, au milieu d'une fête, au moment même où
Triboulet pousse le roi à enlever la femme de monsieur de
Cossé, monsieur de Saint-Vallier pénètre
jusqu'au roi et lui reproche hautement le déshonneur de
Diane de Poitiers. Ce père auquel le roi a pris sa fille,
Triboulet le raille et l'insulte. Le père lève le
bras et maudit Triboulet. De ceci découle toute la
pièce. Le sujet véritable du drame, c'est <i>la
malédiction de monsieur de Saint-Vallier</i>.
Écoutez. Vous êtes au second acte. Cette
malédiction, sur qui est-elle tombée? Sur Triboulet
fou du roi? Non. Sur Triboulet qui est homme, qui est
père, qui a un cœur, qui a une fille. Triboulet a une
fille, tout est là. Triboulet n'a que sa fille au monde -
il la cache à tous les yeux, dans un quartier désert,
dans une maison solitaire. Plus il fait circuler dans la ville
la contagion de la débauche et du vice, plus il tient sa
fille isolée et murée. Il élève son enfant
dans l'innocence, dans la foi et dans la pudeur. Sa plus grande
crainte est qu'elle ne tombe dans le mal, car il sait, lui
méchant, tout ce qu'on y souffre. Eh bien ! la
malédiction du vieillard atteindra Triboulet dans la seule
chose qu'il aime au monde, dans sa fille. Ce même roi que
Triboulet pousse au rapt, ravira sa fille, à
Triboulet...»<br>La présentation ci-dessus
est extrait d'un texte que Victor hugo écrivit en
défense de sa pièce qui fut interdite dès le
soir de la première représentation, la monarchie de
Juillet ne tolérant pas plus qu'une autre, et malgré
la révolution de 1830, qu'on représente un roi
dominé par la luxure. Quelques années plus tard,
Verdi composera <i>Rigoletto</i>, sur un livret
fidèlement adapté de cette pièce, et son
opéra connaîtra le même sort.