Résumé:
Fin 1872, Émile Erckmann, contre qui un mandat
d'arrêt a été émis par les Prussiens qui
occupent l'Alsace et la Moselle, s'installe à
St-Dié. L'été précédent, il a fait la
connaissance à Paris d'un Lorrain, entrepreneur de travaux
publics, qui avait longtemps travaillé en Égypte
à la construction du canal de Suez, Alban Montézuma
Goguel, qui possède une propriété dans sa ville
natale de St-Dié, l'Ermitage. Erckmann y est très
bien accueilli et s'y sent bien, au milieu des Vosges et tout
près de la nouvelle frontière qui le sépare de
chez lui.Mais bientôt, «une envie furieuse» le
prend de revoir l'Alsace. Pour s'empêcher de commettre
cette imprudence, il entreprend avec Montézuma Goguel un
voyage en Égypte et dans l'Orient
méditerrannéen. Le voyage leur procure leur lot
d'émotions, leur navire manquant de couler entre l'Italie
et la Grèce. Ils visitent les ruines de Grèce, puis
Alexandrie, le Caire, Gizeh. Ils embarquent sur un petit vapeur
qui les mène d'un bout à l'autre du canal de Suez,
où ils s'arrêtent sur les lieux des chantiers de
Montézuma. Le retour les mène par Jaffa, Beyrouth,
Tripoli, Rhodes, Constantinople, Corfou puis Rome, Gênes
et le champ de bataille de Marengo. Ils rentrent à
St-Dié au bout d'un voyage de trois mois.<br>Goguel
a une grande expérience du monde oriental actuel, des ses
moeurs, de sa religion, de sa langue. Erckmann, lui, est
plutôt versé dans l'histoire des anciennes
civilisations. Tout le long du trajet, ils échangent leurs
observations. D'Égypte, Erckmann rapporte la matière
des <i>Souvenirs d'un chef de chantier à l'isthme de
Suez</i>. Il écrira plus tard à Chatrian:
«C'est la première fois que nous sortirons d'Europe.
Paysages, figures, tout est nouveau... Il faudra que le monde
oriental y soit solidement indiqué, la couleur vive,
originale de ces pays-là devra ressortir avec une grande
vigueur, mais sans exagération.» De plus, Goguel, qui
avait servi comme engagé volontaire dans la dernière
guerre, s'était trouvé, en 1871, parmi les troupes
chargées de réprimer l'insurrection de la Grande
Kabylie. De ses souvenirs qu'il partagea avec Erckmann,
celui-ci rédigea en grande partie pendant le voyage
même, «Une campagne en Kabylie».